En missions avec l'ALAT - Guerre du Golfe 1990 - 1991

Opération Daguet, Guerre du Golfe, Irak, décembre 1990 à avril 1991. Récit et photos de Jean-Luc Brissaud, pilote d'hélicoptère SA330 Puma à l'ALAT


Posé d'un hélicoptère SA330 Puma de l'ALAT dans le désert irakien
(Photo Phil ARNAUD)
Posé d'un hélicoptère SA330 Puma de l'ALAT dans le désert irakien

 


Irak, décembre 1990 à janvier 1991 : les préparatifs en Arabie Saoudite

 

Carte Arabie Saoudite
(Carte www.mapquest.com)

Le 23 septembre 1990, les hélicoptères du 5e RHC sont parmi les premiers éléments de l'Armée de Terre française à débarquer à Yambu (port d'Arabie Saoudite, sur la mer rouge) en prévision de l'offensive terrestre pour la libération du Koweït. Par la suite, la Division Daguet atteindra 12.000 hommes.

Jean-Luc Brissaud, alors pilote Puma, nous raconte :

"Vers mi-décembre 1990 j'ai rejoint l'Arabie Saoudite en 747 d'Air France pour relever les équipages partis depuis le mois d'août. J'étais alors au 5e RHC basé à Pau, je venais de terminer ma formation sur Puma en juin de la même année. C'était le 3e RHC qui prenait le relai du 5e RHC, en fait le commandement était du 3, mais toutes les escadrilles étaient constituées par un amalgame de tous les régiments ALAT. Le Colonel commandant était le Colonel de LA ROQUE LATOUR. Nous avons posé, après une escale au Caire (pour changement d'équipage. Il fallait un "équipage spécial" pour poser en Arabie Saoudite), nous sommes arrivés à KKMC (King Khalled Military City). Ville étrange créée artificiellement au milieu du désert par le roi saoudien, elle m'a fait penser à une cité futuriste comme on peut en voir dans certaines bandes dessinées du style Flash Gordon. Le bâtiment dans lequel nous étions logé avait une immense cour centrale couverte, il ressemblait à une célèbre prison américaine. Nous étions plusieurs par chambre, mais c'était relativement confortable, bien plus que nos camarades des autres armes qui se trouvaient dans le désert.

 

KKMC
A KKMC (King Khalled Military City)

 

KKMC

 

Equipage
"Mon équipage était composé de l'adjudant EDON, mécanicien naviguant (à gauche au premier plan), du Maréchal des Logis-Chef LAMBERT, pilote (à droite au second plan), du Maréchal des Logis-Chef MORICEAU, pilote (à droite au premier plan) et de moi-même (à gauche au second plan)"

 

Au début nous avons effectué des vols d'adaptation et des posés dans le désert, ainsi que des missions de soutien aux unités stationnées dans le désert (alerte Evasan, ravitaillement, transport de personnel...). Par exemple, j'ai transporté Eddy MITCHELL qui voulait faire un concert pour les troupes françaises, mais qui a été interdit par les saoudiens.

 

Eddy MITCHELL
Avec Eddy MITCHELL !

 

A KKMC il y avait aussi des tchèques spécialistes chimiques qui étaient chargés de l'alerte et de la décontamination pour les saoudiens en cas de bombardement avec des produits chimiques par les irakiens. Ils mangeaient avec nous. Il faut dire que nous vivions au rythme des alertes SCUD. Dès qu'un missile SCUD au départ de l'Irak était repéré par les satellites, l'alerte était déclenchée et nous avions un temps très court pour nous équiper des tenues NBC et nous mettre à l'abri. Cela va durer un mois, durant lequel nous nous entraînons en vu d'une offensive éventuelle.

 

Vol en NBC
Vol en tenue NBC

 

Le 14 février nous quittons KKMC pour rejoindre l'ensemble des troupes françaises dans le désert en un point qui s'appelle Miramar. Pour moi ma première mission de guerre s'effectue le 16 février 1991 par la récupération d'un drone saoudien.

 

Drone
Récupération d'un drone saoudien

 

Drone

 

Nous avions des alertes SCUD aussi bien le jour que la nuit. Nous savions bien repérer ces missiles mais nous ne pouvions connaître leurs destination. Quant aux missiles anti-missiles Patriot américains nous ne leur faisions pas trop confiance, une faible partie des Scud était interceptée.

Dans la nuit du 16 ou du 17 février nous avons étés mis en alerte pour un lancement de Scud ; donc on s'équipe des tenues NBC. Peu après nous avons vu toutes les troupes terrestres partir. Les véhicules partaient dans tous les sens, on observait par les hublots du Puma, c'était ahurissant toutes ces lumières la nuit. Le lendemain il ne restait que les hélicos, même nos convois routiers (qui transportent tout ce qui nous est nécessaire pour vivre mais aussi pour l'entretien des hélicos) étaient partis. Dans la journée nous avons reçu l'ordre de nous déplacer en direction de la frontière Irakienne. Là, nous assistons à un spectacle impressionnant, des dizaines et des dizaines de convois qui se dirigent vers l'Irak.

Nous passons une première nuit dans le désert à mi-chemin entre KKMC et RAFHA, ville près de la frontière irakienne. Dans la soirée, il faisait déjà nuit, un chasseur nous passe dessus à très basse altitude. Nous sautons aussitôt sur nos masques a gaz et nos tenues NBC pensant à un avion irakien effectuant un épandage de produits chimiques. Quelques jours plus tard nous apprendrons que c'était un Phantom qui avait était touché au dessus de l'Irak et qui tentait de rentrer sur KKMC. Il n'a pu arrivé au bout, il se serait craché à 1 ou 2 km en bout de piste. Le lendemain, nous étions près de RAFHA où nous allions rester environ un mois. Nous y effectuons des missions de soutien auprès des régiments de la division Daguet. Le seul fait notable, c'est une reconnaissance sur la frontière irakienne au cours de laquelle je passe en IRAK et j'en foule le sol. Pendant tout ce temps nous vivons dans nos Puma, le soir nous obturons les hublots avec des cartons pour qu'aucune lumière ne filtre de l'hélico. Cela donne quelques scènes assez comiques : certains qui ont quitté leur appareils la nuit n'arrivent pas à le retrouver et tournent plusieurs heures à la recherche de leur Puma."

 


(Photo Phil ARNAUD)
Hélicoptères SA330 Puma dans le désert

 

Puma 205 dans le desert
Hélicoptère SA330 Puma 205 dans le désert

 

Vie à l'intérieur du Puma
Vie à l'intérieur du Puma

 


Irak, février - avril 1991 : l'offensive terrestre en Irak sur As Salman

 

Carte Irak
(Carte www.mapquest.com)
Pour libérer le Koweït, l'offensive terrestre s'est effectuée sur tout le sud-est de l'Irak jusqu'à As Samawah et Basra sur l'Euphrate

 

Carte de l'offensive Desert Storm
La division Daguet avait l'objectif de couvrir le flanc ouest. Partie de Rafha le 24 février 1991, elle atteint As Salman le 25 février puis As Samawah sur l'Euphrate le 27 février

 

"Peu avant l'offensive, je suis mis dans une formation de Puma qui effectueront les évacuations sanitaires pendant l'offensive sur AS SALMAN qui est le premier objectif de la division Française. Le 24 février matin c'est l'offensive sur l'IRAK. On me donne un infirmier américain pour les évacuations sanitaires éventuelles. Il s'appelle KENNETH MILLER, il faisait partie d'une unité médicale US qui était stationnée près de nous.

 

Avec Kenneth MILLER
Avec Kenneth MILLER, infirmier US

 

Le 26 février, je pars avec un autre Puma pour le Fort d'AS SALMAN où un groupe de CRAP aurait sauté sur des mines. Arrivé sur place, je cherche un endroit non miné pour me poser, tout le monde regarde autour et on fait toucher les roues. Kenneth MILER et le Maréchal des Logis LAMBERT (pilote) pénètrent dans le Fort (en fait c'était une ancienne prison) pour aider aux premiers secours. Le reste de l'équipage installe les premiers blessés dans l'appareil. En deux rotations ce jour là, nous avons évacué 13 blessés sur un centre de triage dans un premier temps, puis sur l'Arabie Saoudite dans un deuxième temps. Le lendemain nous évacuons encore 2 blessés qui ont sauté sur des mines.

 

Fort d'AS SALMAN
Fort d'AS SALMAN

 

Ville d'AS SALMAN
AS SALMAN. "J'ai été très surpris lorsque je suis entré dans les maisons abandonnées de ce village irakien : les habitants sont des chrétiens, sur des photos de famille on voyait des mariages, ça ressemblait beaucoup aux mariages de nos grands parents avec mariée en blanc..."

 

L'offensive terrestre a duré 4 jours. Peu après l'arrêt de la guerre je rejoins le 3e RHC et je participe aux missions de ce régiment. RECO dans le nord vers AS SAMAWAH sur le bord de l'Euphrate, héliportages de commandos, soutien aux différents régiments etc.

 

Saddam HUSSEIN
"Devant un portrait de Saddam Hussein
sur un mur d'une caserne à AS SALMAN"

 

Char
"Après avoir démonté une mitrailleuse de calibre 14,5 mm d'un char T55 d'origine russe et qui avait été détruit par l'aviation alliée"

 

Nous restons encore près d'un mois en Irak avant de rejoindre KKMC puis YAMBOU où nous embarquons sur l'OURAGAN pour rejoindre Toulon puis Pau.

 

Yambou
Sur le port de YAMBOU, au fond le TCD OURAGAN

 

Yambou
"Nous étions arrivé la veille de l'embarquement à Yambou. En attendant nous étions sur le port et nous vivions dans le Puma. Comme il faisait beau, nous avions sorti table et chaises pour le repas. Dans beaucoup d'opérations nous dormons et nous vivons dans les hélicos. Nous sommes autonomes et très satisfaits car nous avons un "toit", nos camarades de l'infanterie doivent tout porter dans leurs sacs à dos"

 

TCD Ouragan
Sur le pont du TCD OURAGAN

 

Retrouvailles
Retour à Pau, les retrouvailles sur le parking du régiment

 

Je dois dire une dernière chose, nous avons été tous submergés par les colis que nous ont envoyés les Français. Nous n'avons pas pu répondre à tout le monde et je le regrette bien. C'était super de sentir que tous les Français avaient les yeux braqués sur nous et que plein de gens pensaient à nous, je les en remercie beaucoup."

 

Page publiée le 10 mars 2001, dernière mise à jour le 24 novembre 2002




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