Sur la base école des pilotes d'hélicoptères du Cannet des Maures

Une journée sur la base école de l'ALAT du Cannet des Maures


Hélicoptère d'attaque Tigre
(Photo Olivier FOLLEA)
Hélicoptère d'attaque Tigre

 

EALAT : Cinq lettres qui marquent l'entrée dans la carrière d'un pilote d'hélicoptère militaire

L'EALAT, c'est l'Ecole de l'Aviation Légère de l'Armée de Terre. Pour autant, ce n'est pas uniquement pour piloter des hélicoptères de l'Armée de Terre qu'un jeune pilote arrive là mais nous allons voir cela un peu plus loin.

Techniquement, la route est bien fléchée : EALAT, c'est le mot à chercher pour parvenir jusqu'à l'entrée de la Base Ecole Général Lejay qui abrite l'Etat-Major de cette institution pour tous les pilotes d'hélicos militaires. Comme sur tous les autres sites militaires de France, la sécurité est renforcée. Chicanes, point de contact bien identifié et pattes blanches sont de rigueur pour pouvoir espérer entrer. Après de multiples reports pour cause météo, je suis cependant attendu mi-décembre pour une visite toute en images du parking aéronautique de cette grande base de l'Armée de Terre.

Quand je dis grande, c'est bien de cela dont il s'agit car, d'après Google Maps, les 2 immenses parkings s'étendent sur plus d'un kilomètre de long (environ 1,3 km), au sud des 2 pistes de la plate-forme. Sur la totalité de cette étendue, une part représentative des hélicoptères mis en oeuvre par l'Armée de Terre sont visibles : du Fennec au Tigre, en passant par la Gazelle, le Puma et le Caïman. Sans compter que l'on peut aussi apercevoir des machines allemandes installées à demeure, voire des machines belges si on a de la chance.

L'ALAT considère la plate-forme du Cannet des Maures (ou du Luc pour ceux à qui cela parlerait mieux) comme stratégique du fait de sa situation géographique et de la présence de la totalité des services aéronautiques. Cette base offre la capacité de mettre en place rapidement des moyens opérationnels ou de coordination de moyens aéronautiques (G20 à Cannes en 2010, inondations diverses, lutte contre les feux de forêt, etc). Mais c'est toutefois bien dans son rôle d'école que la base a une place centrale. Aucun pilote d'hélicoptère militaire de l'ALAT qui n'y soit pas passé. La diversité des formations, des entraînements et des qualifications nécessaires pour se maintenir à niveau ou progresser oblige les pilotes à y revenir très régulièrement.

Mais commençons par le début. L'EALAT, tout d'abord, c'est 5 centres de formations :

  • La Base Ecole Général Lejay (BEGL) qui abrite l'Etat-Major de l'EALAT
  • L'Ecole Franco-Allemande (EFA), dédiée au Tigre
  • Le Centre de Formation InterArmée (CFIA), dédié au NH90
  • Le Centre de Formations des Mécaniciens ALAT (CFM ALAT)
  • Et le Centre Franco-Allemand du Personnel Technico-Logistique (CFA PTL de Fassberg en Allemagne), dédié au mécaniciens du Tigre

Et 3 implantations en France : Dax, Sainte Léocadie et le Cannet des Maures.

Dax : sa mission principale est d'assurer la formation initiale des pilotes d'hélicoptère des trois armées (Terre, Air et Marine), de la Gendarmerie et de l'armée belge (depuis 2006). L'aspect technique de maîtrise de la machine est prépondérant, même si on initie déjà les pilotes stagiaires aux spécificités du métier de pilote militaire. Les stagiaires y sont formés sur les désormais bien connus EC120 Calliopé mis à disposition et entretenus par la société Helidax.

L'école a également en charge la formation des moniteurs pilotes de l'armée de Terre, la formation complémentaire des officiers et sous-officiers contrôleurs de la sécurité aérienne et la formation des instructeurs simulateurs de vol.

Sainte Léocadie : du nom de la charmante bourgade des Pyrénées Orientales qui accueille le Centre de Vol en Montagne (CVM). Anecdotique comparée aux bases de Dax et du Cannet des Maures, cette implantation est pourtant essentielle en matière d'entrainement aux vols en altitude, par temps froids, et au milieu de reliefs importants. Cette emprise accueille très régulièrement des détachements français ou étrangers (essentiellement belges, allemands et tchèques) pour des qualifications de stagiaires, des requalifications avant OPEX, des vérifications par le GAMSTAT sur des machines en phase d'expérimentation, etc

Le Cannet des Maures : 3e implantation mais sûrement la première par son importance dans le domaine militaire. Sa mission centrale est d'assurer la formation technique et tactique de tous les équipages de combat de l'ALAT par spécialités et systèmes d'armes, de jour et de nuit. Elle délivre également des qualifications aéronautiques (qualification de type, vol aux instruments) au profit des armées et services de l'état. Au cours de leur carrière, les pilotes d'hélicoptère de combat reviendront tous à la base école général Lejay pour y effectuer des stages de perfectionnement.

A partir de ce point, on comprend très vite pourquoi la base du Cannet accueille une part représentative des hélicoptères mis en oeuvre par l'Armée de Terre. Chaque machine ayant ses missions et ses spécificités, il faut pouvoir en disposer pour former les équipages avant leur affectation en régiment.

Ainsi, à l'issue de leur formation initiale à Dax, les pilotes choisissent la machine qui leur plait en fonction de leur classement dans la promotion : Tigre, NH90, Gazelle ou Puma. A ce stade, ils deviennent pilotes et partent ensuite au Cannet pour entamer leur progression vers le statut opérationnel.

Plus tard, au cours de leur évolution de carrière, ils pourront éventuellement choisir de devenir chef de bord (en charge de la navigation et du système d'arme).

 


Commençons par le Fennec

Dans l'Armée de Terre, ce n'est qu'une machine d'instruction pour le vol bimoteur et le vol aux instruments (contrairement à l'Armée de l'Air qui utilise le Fennec comme un support léger de combat ou de défense). Au Cannet des Maures, l'unité Fennec voit aussi passer des pilotes de l'Armée de l'Air, de la Marine Nationale, de la Sécurité Civile, des Douanes, de la Gendarmerie et des stagiaires étrangers (belges en particulier).

 

Hélicoptère Fennec
(Photo Olivier FOLLEA)
Hélicoptère Fennec

Hélicoptère Fennec
(Photo Olivier FOLLEA)

 


Le Puma

Hélicoptère de Manoeuvre et d'Assaut (HMA) d'ancienne génération, le Puma est une machine dont la disparition au profit du NH90 est programmée depuis longtemps (Le Puma devait avoir intégralement quitté l'Armée de Terre en 2018. Finalement il devrait rester encore 30 machine en 2020, sur 118 à la fin des livraisons en 1987). Pour autant, c'est une machine dont on ne peut se passer dans encore aucune opération et c'est aussi une machine qui attire toujours un certain nombre de jeunes pilotes : d'abord parce que certains se disent qu'ils auront bien le temps de faire du NH90 plus tard, et puis parce que c'est une machine dont on sait qu'avec elle on partira en opérations.

 

Hélicoptère Puma
(Photo Olivier FOLLEA)
Hélicoptère Puma

Hélicoptère Puma
(Photo Olivier FOLLEA)

 

Comme pour les autres machines, les équipages sont transformés sur cet hélicoptère au Cannet (excepté le Fennec pour lequel il n'est pas question de transformation mais bien de support de progression). Tout y passe : prise en main, pannes, vol aux instruments, vol de nuit, vol tactique, manoeuvre conjointe avec d'autres hélicoptères, vol en montagne, vol maritime, poser sur BPC, etc

 


La Gazelle

Hélicoptère de Reconnaissance et d'Attaque (HRA), lui aussi d'ancienne génération, qui constitue toujours la bête de somme de l'ALAT. Et oui, quoi qu'on en dise, Tigre et NH90 ne sont pas encore devenus les hélicos à tout faire de l'Armée de Terre. D'abord parce que la nouvelle génération arrive au compte-goutte (surtout le NH), et parce qu'ensuite elle a été intensément utilisés en peu de temps (je parle du Tigre) avec des versions différentes à gérer (HAP, HAD).

Bref, Patator comme la surnomment les pilotes de Gazelle a encore quelques beaux jours devant elle ! Tellement beaux d'ailleurs qu'il existe encore des travaux pour améliorer la Gazelle et lui rendre sa merveilleuse adaptation aux théâtres d'opérations, et parce qu'elle supporte mieux les problèmes de sable que son remplaçant annoncé. Ainsi, on parle depuis quelques mois d'une « Gazelle Gatling » qui viendrait remplacer la Gazelle Canon qui a pratiquement quitté le service (pour l'anecdote, le 4e RHFS s'est encore servi de quelques machines en 2013 mais historiquement les machines ont structurellement fortement souffert de ce canon installé sur le côté, si bien qu'il n'en reste pratiquement plus de disponibles). En effet, Hot et Hellfire sont des missiles air-sol bien trop puissants (et coûteux) pour stopper quelques Toyota de djihadistes au coin des dunes du Sahara, et un canon présente un coût et un usage plus intéressant dans cette guerre asymétrique.

 

Hélicoptère Gazelle
(Photo Olivier FOLLEA)
Hélicoptère Gazelle

Hélicoptère Gazelle
(Photo Olivier FOLLEA)

 

Pour en revenir à l'EALAT au Cannet des Maures, la section Gazelle vise là aussi à enseigner le maniement de la bête dans toutes les circonstances, de jour comme de nuit, sur terre comme en mer. Ayant perdu ses missions Mistral (au profit du Tigre) et ayant presque également perdu ses missions Canon (au profit là aussi du Tigre), la Gazelle est un appareil très utilisé pour les missions de reconnaissance. Les pilotes y consacrent donc une grande partie de leur entrainement.

 


Le Tigre

A tout seigneur, tout honneur, on ne peut plus parler de l'ALAT sans parler du Tigre. Machine de guerre redoutable, bien protégée, et très appréciée, le Tigre est le remplaçant désigné de la Gazelle. Mais ne nous leurrons pas, les 2 machines n'ont rien en commun. Un peu de la même manière, la formation des équipages européens de Tigre n'a plus rien de commun avec ce que chaque pays a pu faire chacun de son côté pendant des décennies.

Ainsi, aucun programme de développement aéronautique mené en coopération n'avait encore donné lieu à la mise sur pied d'une école de formation commune. Pas le Jaguar franco-britannique, ni l'Alphajet franco-allemand, ni le Lynx franco-britannique, ni même le Tornado italo-britannico-allemand (si on voulait chercher un exemple hors de France). Le programme franco-allemand de développement de l'hélicoptère Tigre l'a fait en le prévoyant de longue date.

En 1991, 7 ans seulement après la signature en 1984 de l'accord de coopération sur le développement et la production du Tigre, la décision est prise de créer une école franco-allemande de formation commune des pilotes français et allemands sur le système d'armes Tigre : l'Ecole Franco-Allemande (EFA).

Inaugurée en 2003, et implantée au Cannet des Maures avec un Etat-Major binational dont le commandement alterne tous les 3 ans, l'EFA constitue un véritable modèle d'intégration et d'école unique en son genre dans le cadre de la défense européenne. Au-delà du modèle franco-allemand, les pilotes espagnols et australiens ont la possibilité d'être formés sur le Tigre depuis 2006 au sein de l'EFA. Ainsi, cette dernière a formé quelques pilotes australiens et, avec la mise en place en 2011 de 2 moniteurs espagnols, l'école forme régulièrement des membres d'équipage Tigre de l'ALAT espagnole.

Co-localisée sur la plateforme aéronautique du Cannet-des-Maures, l'EFA dispose d'infrastructures modernes mutualisés entre français et allemands au sein de 3 divisions : un état-major, une division formation et une division soutien dans laquelle les allemands disposent de 2 hangars ; l'un pour quelques BO105 (jusqu'à 4 si besoin) et l'autre pour 4 à 8 Tigre KHS Step 1 et 2. De leur côté, les Français disposent aussi de 2 hangars, pour abriter 4 à 8 Tigre HAP et HAD.

 

Hélicoptère BO105 allemand
(Photo Olivier FOLLEA)
Hélicoptère BO105 allemand

Hélicoptère d'attaque Tigre KHS allemand
(Photo Olivier FOLLEA)
Hélicoptère d'attaque Tigre KHS allemand

Hélicoptère d'attaque Tigre KHS allemand
(Photo Olivier FOLLEA)

Hélicoptère d'attaque Tigre français
(Photo Olivier FOLLEA)
Hélicoptère d'attaque Tigre français

Hélicoptère d'attaque Tigre français
(Photo Olivier FOLLEA)

 

Pour un équipage en formation, la simulation est omniprésente et constitue 65% de la formation Tigre. Celle-ci s'articule autour de trois instruments : le CAT (Computer Aided Training / Formation assistée par ordinateur), le CPT (Cockpit Procedure Trainer / Entraîneur de procédure) qui permet d'acquérir les compétences pratiques et le FMS (Full Mission Simulator / Simulateur Toute Mission). L'objectif est de pouvoir apprendre à connaître la machine, les procédures de vol associées, ainsi que les procédures spécifiques à l'emploi du système d'armes. Si le schéma d'apprentissage est le même pour les deux nations, la mutualisation est rattrapée par les réalités du terrain : un instructeur français instruit un stagiaire français, et un instructeur allemand, un stagiaire allemand. En effet, si le vecteur Tigre est similaire, les armements et les systèmes les mettant en oeuvre sont totalement différents.

Les cours communs aux deux pays (domaine aéronautique ou apprentissage des équipements communs) sont eux dispensés en anglais à tous les stagiaires.

Côté français, à l'EFA comme ailleurs, on souffre un peu des déploiements opérationnels de cet hélicoptère. Les machines tournent régulièrement, et les remises en état sont parfois longues. Les moteurs endommagés par le sable sont systématiquement renvoyés au SIAé (AIA de Bordeaux) qui leur fera subir une maintenance de niveau 3 (c'est-à-dire pratiquement un démontage, nettoyage, remontage intégral) qui prend environ 6 à 8 mois. Bien sûr, les hélicoptères continuent de voler pendant ce temps d'attente, avec des moteurs de rechange mais on perçoit tout de suite un peu mieux l'impact des opérations au Mali et au Niger quand de telles maintenances sont nécessaires à leur retour.

Réalité ou exception qui confirme la règle, je ne saurais pas le dire mais l'EFA semblait tourner à un bon régime côté français le 16 décembre dernier. 5 Tigre HAP et HAD en vol dans la journée pour des entrainements ou des formations. Côté allemand, 1 vol au cours de la journée.

Il faut dire que le rythme de l'EFA pour la formation des pilotes français n'a aucune raison de faiblir : la France a déjà mené 3 guerres avec ses Tigres (Afghanistan, Libye, Mali/Niger) et la dernière LPM a vu la commande de 7 Tigre HAD supplémentaires (commande notifiée en décembre 2015).

 


Le NH90

Créé le 1er juillet 2010, rattaché organiquement à l'EALAT et implanté au Cannet-des-Maures, le Centre de Formation Inter Armées (CFIA) est chargé de la formation des équipages de conduite de l'hélicoptère NH90 et du personnel de maintenance pour l'Armée de Terre et la Marine Nationale. Cela concerne donc la qualification de type commune des pilotes des deux armées, les formations générales et spécifiques des maintenanciers des deux armées et la formation spécifique des équipages de l'Armée de Terre. Pour les équipages de la Marine, les formations spécifiques à la version navale se déroulent ensuite sur la Base Navale de Hyères. De ce fait, le CFIA n'utilise que des versions TTH du NH90 et les vols vont des prises en main initiales aux scénarios les plus complexes (pour l'Armée de Terre).

 

Hélicoptère NH90 TTH
(Photo Olivier FOLLEA)
Hélicoptère NH90 TTH

 

Les premiers équipages à former sont arrivés au printemps 2013 et la cérémonie marquant la fin de formation des premiers équipages opérationnels sur hélicoptères Caïman (et Tigre HAD) s'est déroulée le 12 décembre 2013. Depuis le 4 décembre 2014, le CFIA s'est également ouvert à l'interalliés avec une première formation (de familiarisation au NH90) de mécaniciens aéronautiques belges et de pilotes espagnols.

Jusqu'en novembre 2015, la formation faisait déjà fortement appel à des moyens de simulations fixes (jusqu'à 70% des « heures de vol » requises lors la formation). Depuis cette date, les moyens de formation se sont enrichis d'un simulateur de vol complet monté sur vérins. Unique en France pour le NH90, ce support vise à préparer les équipages à l'engagement opérationnel et à offrir des arguments supplémentaires au CFIA pour accueillir des stagiaires étrangers (norvégiens ou omanais notamment, en plus des belges et des espagnols déjà mentionnés auparavant).

 


 

En conclusion de cette visite photographique et de cette première découverte de la base du Cannet des Maures, j'ai été surpris par l'étendue de la base et surtout par son niveau d'activité. Certes les hélicoptères se prêtent plus facilement à l'exercice que des avions, mais il est tout de même assez rare de voir jusqu'à 5 types de machines différentes utiliser une même plate-forme toutes en même temps (pour des exercices de pannes au décollage, pour des tours de pistes, pour des départs ou retours de missions d'entrainement plus lointaines, etc). Impressionnant et plutôt rassurant sur le niveau de formations que l'Armée de Terre parvient à dispenser à ses jeunes équipages malgré l'actuel investissement opérationnel. Comme mon oeil non-expert a pu être facilement leurré, je dois aussi préciser que chaque personne rencontrée et questionnée sur la disponibilité des machines pour les entraînements a précisé que celle-ci avait diminué depuis quelques années. Si ce n'est ni une surprise ni un scoop, espérons toutefois que nos grands penseurs et dirigeants en sont suffisamment conscients et informés pour pouvoir continuer à préparer l'avenir correctement.

 

Remerciements : Je remercie le Sirpa Terre pour la mise en place et la tenue de ce reportage, et plus particulièrement le Major Thierry G. sans qui cela n'aurait pas été possible. Je remercie aussi très chaleureusement l'Aspirant G., jeune pilote et officier communication suppléante au moment de ma visite, qui a grandement facilité le déroulement de cette journée et l'a rendue très efficace et agréable.

Textes et photos : Olivier FOLLEA

 

Page créée le 5 février 2016




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