Comment devenir pilote ? - La vie d'un pilote
Questions sur les réalités de la vie d'un pilote
(Photo André BOUR)
Gros plan sur l'équipage d'un hélicoptère Puma de l'ALAT. J'aime bien cette photo prise à Phalsbourg, car j'ai appris une heure plus tard, qu'aux commandes il y avait un jeune pilote qui avait lu ces pages d'HELICOPASSION quelques années auparavant et qui maintenant avait concrétisé son rêve
Témoignage du Lieutenant DESCATOIRE, pilote Gazelle à l'ALAT
Des pilotes répondent à ceux qui veulent le devenir...
Quelle est la journée type d'un pilote ? J'aurai bien voulu savoir de quoi est composée une journée de pilote (sous-officier ou officier) pour pouvoir me représenter concrètement le métier.
[GB] Un pilote ne vole au maximum qu'une heure par jour, et pas forcément tous les jours. Actuellement, en raison de réductions budgétaires, un pilote effectue une moyenne de 100 heures de vol par an (entre 180 et 220 de mon temps !). Une heure de vol comprend, outre le vol proprement dit, la préparation et le remplissage de la paperasse soit une heure de plus. Le reste du temps, tout pilote de l'ALAT a ce qu'on appelle une "activité annexe" en rapport avec la vie de l'escadrille mais pas forcément une activité aéronautique. Par exemple, j'ai été tour à tour responsable des masques à gaz, de l'optique (jumelles, appareils de vision nocturne), du parc auto (4 camions et 3 voitures), et j'ai fini adjoint au chef des opérations en même temps que sous-officier "renseignement" du Régiment chargé de l'instruction sur le matériel de l'ex bloc de l'Est. En fait, cette activité annexe prend la majeure partie de la journée, le pilotage restant la "récréation" !
Il faut aussi savoir qu'un jeune pilote en escadrille n'est pas entièrement formé avant au moins 5 ans, et doit passer moultes examens durant ces années, qu'ils soient militaires ou en rapport avec le pilotage. Il faut donc aussi préparer ces examens, ce qui prend pas mal de temps.
Bien entendu, tout ceci n'est valable que lorsque le pilote n'est pas en opérations. Dans ce cas-là, c'est la fonction pilote qui prend le dessus, la fonction annexe est mise "en sommeil" ou le pilote se voit affecté une autre tâche en rapport avec la vie en opérations, la mission de pilote restant prioritaire.
[WV] ALAT : Ca dépend tellement !!! hier j'ai fait 11 heures de vol dans la journée et peut être que le mois prochain ce n'est pas le total de mes heures du mois. Il y a aussi pleins d'autres "occupations" parce qu'on est aussi militaire.
Combien d'heures de vol effectue un pilote militaire sur une année ?
[VB]La norme OTAN est de 180 heures par an et par pilote.
France | A l'ALAT : 150 heures, objectif de revenir rapidement au niveau des 180 heures |
A l'Armée de l'Air : 200 heures | |
Dans la Marine : 220 heures | |
Etas-Unis | Sur Apache : 180 heures en 2001 (était descendu à 120 heures au moment des crash au Kosovo !), objectif 220 heures en 2003 |
Royaume-Uni | Sur Puma : 236 heures |
Sur Chinook : 296 heures |
[STRUCKER] Les pilotes ALAT volent en moyenne 160 h par an.
[XXL] La réponse à ta question dépend essentiellement de l'hélicoptère sur lequel on vole mais aussi beaucoup des qualifications possédées. En principe, un pilote ne fait jamais moins de 160 heures par an et peut aller jusqu'à 300. Cependant, le type de vol importe beaucoup ainsi que la répartition des heures sur l'année. En effet, 2 heures de VOLTACN (vol tactique de nuit avec caméra thermique) ou de sling sous jumelles de vision nocturnes ou encore de chasse sous-marine n'ont pas la même charge qu'une liaison de 3 heures de Mérignac à Orange sous contrôle radar. Pour ce qui est de leur répartition, il est fréquent que les pilotes de Puma fassent 60% de leurs heures en 4 mois et presque rien en métropole les 8 mois restants. Un pilote fera en principe environ 4 heures 30 de vol par semaine soit 2 à 4 vols. Mais si tu aimes vraiment avoir les fesses en l'air, il te faudra devenir instructeur ou pilote dans le civil car tu pourras atteindre les 600 ou 700 heures par an mais là le travail ressemble plutôt à de l'abattage. Bonne chance
J'aimerai en savoir un peu plus sur les copilotes. Quelles sont leurs fonctions et quelle filière faut-il suivre ?
[NF] Dans la Marine, on trouve la hiérarchisation suivante : 1 CA (Commandant d’Aéronef) et un COPI (COPIlote). Le CA est responsable de la conduite de l’aéronef, de la conduite de la mission et de la sécurité globale liée à la préparation du vol, et au vol lui même. Le CA délègue aux autres membres d’équipage une partie des tâches à effectuer mais en reste finalement toujours responsable. Cette délégation de tâche permet :
- Cross-checks des procédures de mise en œuvre.
- Optimisation par la synergie des différents membres d’équipage
- Plus de recul pour le CA
Pour le rôle spécifique du COPI ; il est en charge :
- de la préparation de partie de la mission (tracé de navigation, etc…)
- du calcul des performances machine
- du pilotage pour certaines phases de vol
Lorsqu’un pilote est affecté dans une flottille, il doit avoir le potentiel pour devenir CA. Son utilisation en temps que COPI est temporaire et est indispensable pour lui assurer une bonne expertise sur le type d’aéronef. L’acquisition de qualifications dans le temps pour un pilote en flottille se décompose en quatre phases :
1. COPI
2. CA (+qualif à l’appontage de nuit)
3. Qualif tactique jour
4. Qualif tactique nuit
[ZD] Dans la Marine le copilote assiste le chef de bord dans la mission. Soit il est aux commandes soit il assure la navigation, la radio ou la situation tactique. Tout dépend de la mission, le chef de bord étant le plus qualifié des deux, il décide de la répartition des tâches. Mais il n'y a pas de filière spécifique, la place de copilote est fonction des qualifications acquises et un jour ou l'autre on se retrouve chef de bord.
Est-il possible de concilier vie privée en fondant une famille et vie de pilote ?
[VH] Ca dépend de l'unité dans laquelle tu te trouves et du type d'hélico. Sur Puma, t'es 6 mois dehors / 6 mois à la maison. Sur Gazelle de combat, t'es 4 mois dehors par an en moyenne. Sur Fennec comme moi, tu ne fais pas de séjour outre-mer mais tu n'es pas tous les soirs chez toi.
[GB] La plupart du temps la vie de famille ne pâtit pas de ce choix de métier. Un militaire a des horaires de fonctionnaire, avec en plus de temps en temps une permanence ou une garde, une fois par mois environ (nuit ou week-end). Par contre, sa disponibilité doit être totale, c'est à dire qu'il peut partir pour plusieurs mois avec parfois un préavis assez court. J'ai le souvenir d'un départ pour un séjour en Somalie qui a duré trois mois, avec un préavis d'une semaine ! Certains camarades sont partis du jour au lendemain pour des périodes parfois plus longues, et c'est souvent sans date fixe de retour. De même, il arrive deux ou trois fois par an qu'un exercice ou une manoeuvre déplace le personnel pour une semaine ou deux mais dans ce cas c'est planifié bien à l'avance. Il y a aussi les stages (nombreux !). Mais dans l'ensemble, rien de bien pénalisant au niveau de la vie de famille.
Autre point : certaines épouses pensent que ce métier est dangereux (ce qui est parfois un peu vrai !) et vivent en état de stress permanent. C'est une situation qui peut être difficile à gérer. Il arrive qu'un hélico se ratatine et que l'accident fasse des morts (extrêmement rare !), et dans ce cas ça peut devenir catastrophique pour l'ambiance familiale. Je n'ai pas eu ce souci, Dieu merci, mais j'avais pris comme principe de ne pas tout raconter à ma compagne et en tout cas pas les anecdotes où "c'est pas passé loin" !
[WV] ALAT : il faut expliquer à sa famille que c'est un métier MILITAIRE et donc qu'il y a des obligations et que ce n'est pas 8h-17h tous les jours (sans parler des séjours de 4 mois à l'étranger) mais il existe néanmoins des récupérations des vols de nuits, 45 jours de permissions etc... Ca se passe bien dans beaucoup de familles de militaire...
Mon fils a 17 ans et ne pense qu'à être pilote d'hélicoptère depuis l'âge de 4 ans. On s'est renseigné sur les écoles mais on s'est aperçu qu'elles étaient très chères et de plus (en discutant avec un jeune) qu'il y avait beaucoup de chômage à la sortie. Donc seule la filière militaire est envisageable. Mon fils n'est pas un militaire dans l'âme, dans le sens où il ne voudrait pas du tout aller sur des conflits. Il voudrait faire de la Sécurité Civile ou du transport, son rêve c'est la Gendarmerie. Ma question est la suivante : lorsqu'on s'engage dans l'armée, est-on obligatoirement amené à piloter des hélicoptères de guerre en période de conflits ? Merci de répondre franchement, c'est important pour lui de savoir vers quoi il s'engage.
[WV] Dans les armées on est militaire avant d'etre pilote donc... oui ! La Sécurité Civile recrute très peu et il faut beaucoup d'heures = souvent d'anciens militaire mais pas tous. La Gendarmerie c'est des militaires mais ils font des missions de service public en France. Il faut se renseigner dans une gendarmerie...
[ZD] Beaucoup de pilotes ne partiront jamais pour un conflit, mais l'aspect militaire est très important car il régit la vit de tout les jours. Le négliger est impossible (y compris dans la Gendarmerie qui est une arme à part entière)
Que retenez-vous de ce métier ?
[VH] Les missions variées, les lieux visités, les qualifications diverses
[GB] Le cerveau humain a tendance à effacer les mauvais souvenirs avec le temps... Je n'en ai donc gardé que le meilleur, c'est à dire une bonne ambiance, de franches rigolades, et des moments intenses en vol. De plus, c'est une bonne école de rigueur, de patience, d'humilité. C'est un métier très technique, souvent assez éloigné de l'idée qu'on s'en fait à l'extérieur. Il n'y a pas de Superman chez les pilotes, juste des techniciens de haut niveau qui pilotent des machine à la technologie parfois assez pointue. Il faut oublier le mythe de Buck Danny ou des Chevaliers du Ciel, ce boulot en est bien éloigné !
Un autre bon côté de ce métier c'est qu'un pilote est en perpétuelle évolution. Il y a toujours des choses à apprendre, des barrières à franchir, des examens à passer, des qualifs à obtenir. On n'en voit pratiquement jamais le bout et on ne peut pas s'ennuyer en se reposant sur ses lauriers.
Un mauvais coté qui m'a personnellement assez perturbé tout au long de ma carrière, c'est une hiérarchie parfois très très pesante, pour rester poli ! Mais ça, c'est une question de tempérament !
Quelles sont les possibilités d'évolution de carrière ?
[GB] Le contrat minimum est de dix ans. Pour obtenir ensuite une partie de la retraite, il faut faire 15 ans. Rares sont donc ceux qui font uniquement 10 ans ! La carrière évolue automatiquement au fil des qualifications et des examens qui sont planifiés dans le temps et auxquels les personnels sont inscrits automatiquement. C'est un des bons cotés de l'armée, la carrière est prise en charge par le système et il suffit de suivre le mouvement (et de bosser pour passer les examens, quand même !). Un pilote peut être à son plus haut niveau (militaire et technique) en 17 ans environ, et penser alors à prendre sa retraite (complète, soit 80% de sa paye de base). Il peut bien entendu continuer s'il le désire, sachant qu'il peut servir jusqu'à la limite d'âge de son grade (47 ans pour un adjudant, 51 je crois pour un adjudant-chef).
Et les reconversions?
[GB] Ah... Sujet délicat... La reconversion comme pilote dans le civil est extrêmement difficile à l'heure actuelle. Le monde de l'hélico est en refonte, de nouvelles normes font leur apparition, et personne ne sait trop où ça va nous mener. De plus, il y a beaucoup de pilotes anciens de l'armée sur le marché, et peu de société susceptibles d'embaucher. Tout se fait donc par copinage et les places sont très chères. D'ailleurs la plupart des pilotes de l'ALAT se reconvertissent dans autre chose. Un autre point délicat, c'est que peu de qualifs obtenues dans l'armée n'ont de valeur dans le civil, il faut donc repasser la plupart des examens. Le conseil que je donne actuellement aux jeunes pilotes qui me posent cette question, c'est de profiter de leur temps dans l'armée pour préparer, parallèlement à leurs examens militaires, leurs qualifs civiles. Bien sur ça coûte du temps et de l'argent mais c'est un investissement indispensable si on veut continuer une carrière après l'armée. Je pense d'autre part que d'ici dix ans la marché de l'hélico aura évolué en France. Je ne sais pas trop dans quel sens, mais ça aura changé !
Quel est le facteur de charge (en G) que subissent couramment un helicoptère civil ou militaire ? Je sais que l'ordre de grandeur est 5 à 10 pour un avion de chasse, qu'en est-il pour un hélico ?
[GH] En utilisation courante je pense que c'est moins d'1,3 G , c'est à dire qu'en sensation d'accélération pure ça n'est pas plus violent qu'en voiture. Dans certaines évolutions un peu particulières comme le combat air-air on peut dépasser légèrement 2 G (Je parle pour la Gazelle que je connais bien, cela ne doit pas être très différent pour les autres types d'hélicoptères)
[WV] Ah ah... c'est pas fait pour faire de la voltige mais bon : La Gazelle : de 0 G à + 2 G, pareil pour le Puma et le Cougar. Seul le Tigre fait un peu plus avec 3,5 G !!! En tout cas rien avoir avec un avion mais la question est intéressante :)
[SK] Je pense qu'en virage serré, un hélico prend maximum 3 G voire 4 G mais pas beaucoup plus.
[CW] Beaucoup moins qu'un avion. La mécanique hélicoptère est beaucoup plus sensible au facteur de charge. NB : le vol acrobatique est interdit dans toutes les armées. Il est possible que sur les hélicoptères d'attaque le facteur de charge soit assez important en phase d'esquive ou lors du combat air-air mais sans commune mesure avec la chasse.
[GB] Question technique tout à fait dans mes cordes ! Pour faire simple, on dira que le facteur de charge est lié à la vitesse. Un hélico dépasse rarement les 250 km/h et même si on met "le manche dans la portière" on encaisse rarement plus de 1,5 G, et encore il faut vraiment combiner virage et mise en puissance assez franche, ce qui n'est pas vraiment naturel ! Il faut aussi savoir que le pilotage d'un hélico est plus "fin" que celui d'un avion, et que le débattement du manche, même dans les virages extrêmes, est infime. Bien d'autres choses entrent en jeu, comme la force de sustentation qui s'exerce en un point sur l'hélico (vers le haut du mat rotor) alors qu'elle se répartit sur tout la surface des ailes sur un avion. Quant aux G négatifs, ils sont pratiquement inexistants sur un hélico, sauf si on le fait vraiment exprès pour s'amuser, ou lors d'une mise en autorotation un peu brutale. De toute façon il ne faut jamais être brutal sur hélico, ça ne sert à rien et ça esquinte la mécanique car les ensembles tournants baignent dans l'huile et sont lubrifiés par gravité. Donc en résumé, en vol normal même "viril" (vol tactique au ras du sol comme dans l'ALAT), pas de G sensibles.
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Dernière mise à jour le 7 avril 2013
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