Vol de nuit avec les hélicoptères de la REGA
Grâce à la technologie moderne, les hélicoptères de la REGA peuvent braver l'obscurité et sauver des vies même au beau milieu de la nuit
Les nuits blanches de la REGA : les équipages mobilisables 24 heures sur 24
A la Rega, il arrive parfois que les journées de travail se prolongent tard dans la nuit. En effet, les équipes de sauvetage doivent se tenir prêtes à partir en mission 24h/24 : la nuit aussi, elles apportent une assistance médicale sur des lieux d'accidents ou effectuent des transferts de patients d'un hôpital régional vers un hôpital central.
(Photo Christian PERRET - REGA)
Une lumière dans la nuit : L'hélicoptère de sauvetage - ici un EC145 - est équipé d'un projecteur surpuissant pour faciliter les recherches à la tombée de la nuit
Souper à la base Rega de Dübendorf, près de Zurich : l'équipe de permanence, composée d'un pilote, d'un sauveteur professionnel et d'un médecin, veille à manger une nourriture saine et variée. « Cela nous aide à rester en forme physiquement et mentalement pour accomplir nos missions, de jour comme de nuit », explique le pilote Beat Marti. Tout en mangeant, l'équipe passe en revue les heures qui se sont écoulées depuis la prise de service le matin. Trois interventions d'urgence, plus un transfert interhospitalier, une journée bien remplie est sur le point de s'achever. Mais tandis que d'autres profitent de leur soirée, les équipiers, sitôt sortis de table, entament les préparatifs pour être prêts à intervenir de nuit. Le sauveteur professionnel Matthias Büeler remise l'hélicoptère dans le hangar, le pilote Beat Marti vérifie la propreté des vitres et le bon fonctionnement des différentes sources lumineuses. Il lui faut remplacer une lampe halogène. « Pour éclairer un terrain d'atterrissage la nuit, nous avons besoin de tous les projecteurs disponibles », explique-t-il.
De bonnes conditions de vol pour la nuit à venir
Les trois équipiers discutent de la météo prévue pour la nuit. En dépit de quelques averses, les conditions semblent bonnes. Le répit de l'équipage est de courte durée. Vers 21h30, la centrale d'intervention de la Rega contacte la base zurichoise pour lui signaler un grave accident de la route à la frontière des cantons de Saint-Gall et Zurich. Une collision frontale entre deux voitures à Diemberg (SG) a fait plusieurs blessés, dont un incarcéré. Les pompiers sont donc aussi sur les lieux, en plus de la police et des ambulances. Grâce à la préparation rigoureuse des opérations de nuit, les jumelles de vision nocturne (JVN) se trouvent à portée de main. Peu de temps après l'alerte, l'hélicoptère de sauvetage est sorti du hangar et ses turbines lancées. C'est parti pour un vol de nuit : le pilote se dirige d'abord vers l'est, car pour l'heure il ne connaît pas encore la destination exacte. Quelques instants plus tard, la centrale de la Rega communique à l'équipage les coordonnées exactes du lieu d'intervention ; le sauveteur professionnel entre ces données dans le système de navigation. Le pilote demande l'autorisation de décoller au Service de la sécurité aérienne de l'aéroport de Zurich-Kloten, puis le sauveteur établit une liaison radio avec la police sur le lieu de l'accident. Celle-ci a déjà repéré un terrain d'atterrissage et avertit l'équipage de la présence d'une ligne à haute tension. La lumière bleutée des gyrophares sur le lieu de l'accident se voit de loin à travers les JVN.
(Photo REGA)
Tout baigne dans une lumière verte, les jumelles de vision nocturne ou JVN (Night Vision Goggles NVG en anglais) amplifient jusqu'à 3000 fois la lumière du ciel nocturne pour la rendre perceptible à l'oeil humain. Elles donnent une image verte sur laquelle se distinguent clairement les nuages, le relief et les voies de circulation. Les JVN sont fixées au casque du pilote, qui les relève lors de la phase d'atterrissage. Le tableau de bord est équipé de témoins lumineux à faible luminosité pour ne pas éblouir le pilote
Un blessé grave est toujours bloqué à l'intérieur de son véhicule
Un policier muni d'une veste fluorescente et de bâtons lumineux guide l'hélicoptère vers un pré situé juste à côté du lieu de l'accident. Grâce aux JVN, Beat Marti peut identifier des éléments importants entourant le terrain d'atterrissage, tels que les lignes téléphoniques et les arbres, et déterminer sa trajectoire d'approche. Après un rapide briefing de l'équipage, il amorce l'atterrissage en s'aidant de tous les projecteurs de l'hélicoptère. Le médecin urgentiste descend en premier de la machine qui vient de se poser. Pour le Dr Alain Richard, il s'agit en priorité d'avoir une vue d'ensemble du lieu de l'accident et des patients à prendre en charge – tâche qui est loin d'être simple. Son confrère des services de sauvetage au sol le dirige vers le patient le plus gravement atteint. Ce dernier est toujours prisonnier dans l'habitacle de son véhicule. Dans cette situa - tion critique et le bruit des cisailles – les pompiers sont en train de découper la tôle pour dégager le blessé avec le plus de précaution possible – il s'avère particulièrement difficile de poser une perfusion. « Il n'est pas facile de travailler dans de telles conditions », témoigne Alain Richard. Outre les mesures assurant le maintien des fonctions vitales, il faut prodiguer d'autres soins d'urgence au patient couvert de sang. Souffrant de lésions graves, ce dernier devra être immédiatement intubé et mis sous respiration artificielle une fois désincarcéré.
Les projecteurs des pompiers éclairent d'une lumière blafarde la scène de l'accident
Cette mission de nuit menée par les hommes de la Rega ne se distingue pas vraiment d'une intervention de jour, car les puissants projecteurs des pompiers éclairent d'une lumière crue la scène de l'accident. Mais une fois de plus, la Rega a respecté son engagement : apporter, dans les meilleurs délais, une assistance médicale sur le lieu d'un accident. Il faut ensuite décider où transporter le patient. En raison de la gravité de ses blessures, il doit être absolument être admis dans un centre hospitalier, en l'occurrence l'Hôpital universitaire de Zurich. L'hélico repart dans la nuit noire : le vol vers Zurich se déroule sans problème. Activées par radio par l'équipage, les lumières de l'aire d'atterrissage située sur le toit de l'hôpital se distinguent clairement au loin. Au sol, tout se passe comme sur des roulettes : à l'hôpital, une équipe médicale attend déjà le patient dans la salle de déchocage. Après la remise du patient au personnel hospitalier, la mission de l'équipe Rega est accomplie : l'hélico repart dans la nuit, cette fois pour regagner sa base. à l'arrivée, les équipiers doivent encore ravitailler l'appareil en carburant, remettre en état le matériel utilisé et rédiger leurs rapports d'intervention avant de pouvoir enfin rejoindre leurs lits. Il leur faut reprendre des forces au plus vite avant la prochaine mission.
(Photo REGA)
Sur les lieux de l'accident
(Photo REGA)
Arrivée sur l'hélistation de l'hôpital
« NIGHT RIDER » grâce à la technologie moderne
Grâce à la technologie moderne, les hélicoptères de la Rega peuvent braver l'obscurité et sauver des vies même au beau milieu de la nuit.
La Rega n'est pas uniquement sollicitée de jour : environ une mission héliportée sur cinq se déroule après la tombée de la nuit. En dehors des espaces aériens contrôlés, les pilotes naviguent à vue. Les équipements techniques, tels que les feux anticollision, le système de navigation numérique ou les jumelles de vision nocturne, contribuent à réduire les risques.
(Illustration Alex DEMARMELS - REGA)
Les technologies pour le vol de nuit en hélicoptère
1. Jumelles de vision nocturne (JVN). Les JVN amplifient jusqu'à 3000 fois la lumière du ciel nocturne. Elles donnent une image verte sur laquelle se distinguent clairement les nuages, le relief et les voies de circulation.
2. Phare d'atterrissage fixe (250W). Le phare d'atterrissage permet à l'hélico de signaler sa présence et d'être repéré plus rapidement par d'autres aéronefs ou les équipes de sauvetage au sol.
3. Projecteur orientable intégré. Ce projecteur orientable et inclinable à 150° et 73° permet au pilote d'éclairer la zone d'atterrissage et d'identifier les obstacles.
4. Phare de recherche « Spectrolab » SX-16. Utilisé la nuit pour la recherche de personnes disparues. Puissance 30 à 40 mio de bougies, portée 1,6 km. D'un poids de 29 kg, orientable et inclinable, il n'est monté sur l'hélico qu'en cas de besoin.
5. Phare d'atterrissage orienté à 30° vers la gauche (250W). Sert à éclairer le champ de vision du sauveteur professionnel lors de l'atterrissage.
6. Phare de treuil (250W). Il projette la nuit un faisceau vertical sur le treuil de sauvetage.
7. Feux de position Allumés de façon constante conformément aux prescriptions aéronautiques. Feu gauche rouge, feu droit vert, feu arrière blanc.
8. Projecteurs de dérive. éclairent de façon constante la zone de danger du rotor de queue.
9. Feux à éclats. Feux clignotants blancs, visibles loin à la ronde.
10. Feux anticollision. Compatibles avec les JVN, ces feux clignotants rouges sont systématiquement allumés de jour comme de nuit. Ils permettent à l'hélico d'être facilement repéré par les autres aéronefs.
Interview : le pilote d'hélicoptère Walter SCHNEIBEL nous parle des missions nocturnes
Auparavant exceptionnelles, les missions nocturnes font désormais partie du quotidien des équipes de la Rega. Nous nous sommes entretenus avec le pilote d'hélicoptère Walter Schneibel, responsable à la Rega de la formation aux vols de nuit.
« La nuit, il faut faire preuve d'une extrême vigilance, car même avec les meilleurs moyens techniques, on ne verra jamais comme en plein jour » Walter Schneibel |
Vous effectuez depuis 26 ans des opérations de sauvetage pour la Rega. Vous souvenez-vous de votre première mission nocturne ?
Je m'en souviens tout à fait, car j'avais été très impressionné par cette opération menée sans JVN (jumelles de vision nocturne), qui n'existaient pas à l'époque. A peine quelques jours après avoir commencé à voler à la Rega, j'ai effectué ma première mission nocturne avec l'équipage de la base lausannoise dans une région que je ne connaissais pas de nuit. Il nous fallait transférer un patient de l'hôpital régional de Riaz vers le CHUV de Lausanne. J'étais ravi de relever ce défi. Bien que jeune pilote, je me sentais en confiance car j'étais assisté par un sauveteur professionnel expérimenté.
Comment faisait-on à l'époque pour s'orienter dans le noir ?
Avant le lancement de l'opération, nous devions déterminer à l'aide d'une carte l'itinéraire de vol, l'altitude minimale ainsi que la distance et la durée du vol. Suivant le niveau d'obscurité, nous nous focalisions, lors de la préparation du vol, sur les sources lumineuses artificielles constituant des points fixes, comme les localités d'une certaine importance, la topographie, une antenne éclairée ou une autoroute.
Les vols de nuit ne s'accompagnent-ils pas d'une certaine appréhension ?
Non. Dès ma première mission, mon manque de connaissance de la région a été compensé par l'expérience du sauveteur professionnel qui se trouvait à mes côtés. De manière générale, l'expérience contribue à la sécurité. C'est pourquoi même aujourd'hui, il est indispensable que le pilote ou le sauveteur professionnel connaisse bien le terrain. La connaissance d'une région de jour ne peut toutefois pas être transposée telle quelle lors d'une mission nocturne, car la nuit, on n'a pas la même perception des lieux que la journée. Un bâtiment qui passe inaperçu le jour peut servir la nuit de point de navigation idéal s'il bénéficie d'un bon éclairage. Lors d'un vol de nuit, on découvre ainsi des choses qu'on ne remarque pas le jour. Alors que les antennes éclairées figurent sur les cartes des obstacles à la navigation aérienne, il est possible, lorsqu'on dispose d'une certaine expérience, d'utiliser d'autres sources lumineuses artificielles pour s'orienter, comme les éclairages des passages souterrains, qui servent de points de référence.
Existait-il déjà, à l'époque, des équipements techniques qui facilitaient les vols dans l'obscurité ?
Le phare de recherche « Spectrolab » SX-16 faisait partie de l'équipement standard de l'Alouette III pour les missions de nuit. Aujourd'hui, il continue à rendre de précieux services et équipe notamment les hélicoptères de type Eurocopter EC145 et Agusta A109 K2.
En tant que pilote de la Rega, vous avez eu une influence marquante sur la formation et l'équipement. à quand remonte l'utilisation des premières jumelles de vision nocturne ?
Il y a une vingtaine d'années, j'avais lu par hasard dans une revue spécialisée britannique un article sur l'utilisation militaire d'amplificateurs de luminosité résiduelle. Le pilote en chef de l'époque a rapidement autorisé les premiers vols d'essai avec ces JVN de troisième génération, très performantes. La phase d'essai s'est si bien déroulée que la Rega a décidé d'équiper toutes ses bases un an plus tard. Aujourd'hui, je ne pourrais plus m'imaginer voler sans ces instruments optiques, même si l'amplificateur de lumière ne constitue qu'un complément et que nos directives internes ne nous permettent d'envisager un vol de nuit que s'il est possible de l'effectuer sans JVN. L'appareil de cartographie numérique assisté par satellite constitue une autre aide précieuse.
Peut-on dire que grâce à ces progrès techniques, les pilotes voient pour ainsi dire aussi bien la nuit que le jour ?
Auparavant, la pénétration involontaire dans un nuage et l'appréciation des conditions météo nous posaient un réel problème. Aujourd'hui, grâce aux webcams, aux cartes et images météo animées par Internet, nous disposons de données météorologiques très fiables. Les JVN nous permettent aussi de mieux évaluer les conditions météo durant le vol. Néanmoins, la nuit il convient de faire preuve d'une extrême vigilance, car même avec les meilleurs moyens techniques, on n'y verra jamais comme en plein jour.
(Vidéo REGA)
Les patients n'attendent pas le jour pour appeler la REGA à l'aide : sur cinq interventions en hélicoptère, au moins une a lieu une fois le soleil couché. Les professionnels de la REGA pilotent à vue, même pendant la nuit, grâce aux jumelles de vision nocturne. Ces "Night Vision Goggles" les aident à naviguer en amplifiant la lumière résiduelle du ciel nocturne
Article de Thomas KENNER, paru dans le Magazine des donateurs de la REGA 1414 de novembre 2007 Remerciements à la REGA pour son autorisation de publication |
Dernière mise à jour le 3 février 2008
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